Nous sommes un peu tristes ce matin à la perspective de quitter notre île et un peu stressés aussi par celle du long voyage qui nous attend. D'autant plus que le vent souffle fort de bon matin sur Kho Rong Sanloem et que la mer a commencé à se former, à tel point que Camille a dû abandonner le projet d'aller faire une dernière séance de natation dans la mer, à son grand regret. Or, nous avons pu lire de très nombreux témoignages de personnes ayant effectué la traversée par mer agitée et ce n'était vraiment pas réjouissant.

Néanmoins, cela ne nous a pas empêché de profiter de notre dernier petit déjeuner de tartines, de rempaqueter nos sacs (et de nous rendre compte que ça ne nous avait pas manqué du tout) et de nous poser une dernière fois dans les très confortables fauteuils de la terrasse de notre guesthouse pour faire nos devoirs de vacances.

À midi, nous avons pris congé de nos adorables hôtes pour aller nous installer sur le ponton du port et y attendre le ferry qui doit nous ramener sur le continent, en 45 minutes en théorie. Nous y sommes très nombreux. Nous nous demandons si tout le monde aura une place à l'intérieur de la vedette car, si tel n'est pas le cas, ceux qui seront à l'extérieur bénéficieront d'une bonne douche d'eau salée. La mer est moins agitée qu'elle ne l'était à 8h ce matin, ce qui nous rassure un peu.

Plusieurs bateaux arrivent et c'est toujours un joyeux bazar car personne ne sait trop s'il doit monter à bord ou non. Pour nous, le premier est un faux départ : il s'agit d'un bateau qui emmène à la demi-journée des gens visiter les autres îles. Le second également : il part pour l'île voisine de Kho Rong. Le troisième rejoint le continent mais il est affrété par une compagnie concurrente de la nôtre. Le ponton se vide peu à peu, ce qui nous rend plus sereins quant aux conditions de trajet dans le ferry.

Finalement, notre bateau arrive. Comme il n'y a plus de place le long du ponton, il s'amarre à un autre bateau qui est à quai. Ainsi, il nous faut traverser ce dernier (qui est bondé de passagers et de bagages) pour embarquer, le tout avec nos gros sacs. Qu'à cela ne tienne, nous sommes bientôt installés. Et ne regrettons pas d'avoir été parmi les premiers sur le ponton car il n'y a pas assez de places assises pour tout le monde dans la vedette.

Enfin, le ferry démarre, avec une demi-heure de retard... pour se rendre tout d'abord sur l'île de Kho Rong. La mer est assez forte, le bateau est pas mal malmené. De nombreuses personnes sont malades, sans surprise. Nous prenons régulièrement de petites averses d'eau de mer. Nous arrivons bientôt à Kho Rong. Le ferry y dépose un grand nombre de locaux, nous imaginons qu'ils ont dû venir rendre visite à leur famille sur l'île de Kho Rong Sanloem pour le week-end.

Peu de personnes remontent à bord si bien que tout le monde est assis pour la longue traversée. La mer s'est un peu calmée mais ça tangue quand même pas mal et le voyage semble bien plus long qu'à l'aller. Nous arrivons enfin à Sihanoukville avec plus d'une heure de retard. Heureusement, nous n'avions pas de correspondance avec un bus. C'est d'ailleurs la première chose que nous allons faire à peine le pied à terre : réserver deux places dans un bus pour Battambang. Les (peu charmantes et peu claires) hôtesses de l'Office du tourisme du port ne nous aident pas beaucoup à faire notre choix car leurs explications sont désordonnées et parfois contradictoires. Nous finissons par nous décider pour un trajet en bus de nuit, avec un changement de véhicule prévu mais on ne sait pas où, dont l'itinéraire est incertain, mais on devrait arriver à Battambang à 7h30 demain matin en minivan.

Et, une fois seulement après que nous ayons acheté les billets, on nous dit qu'il n'y a pas de pick-up et qu'il faut que nous nous rendions par nos propres moyens au siège de la compagnie de transport ("Je vous appelle un tuk-tuk ?" "Non merci, on va marcher !"). Nous voilà donc partis pour une petite heure de marche en plein soleil, avec nos sacs dont on avait oublié le poids sur le dos et l'estomac dans les talons, dans la bruyante, puante et poussiéreuse ville de Sihanoukville dont tout le monde nous avait dit qu'elle était terrible. À raison. Les chinois ont comme projet de la transformer en station balnéaire, si bien qu'elle est devenue un gigantesque chantier de construction, avec toutes les nuisances que cela implique. Et une multitude d'immeubles sans charme ont désormais détruit le littoral.

Nous cherchons à manger sans grand succès. Il est déjà tard pour les restaurants de rue où le personnel répond par signes à nos sollicitations pour nous indiquer que le service est terminé. Il y a une multitude de restaurants chinois, tenus par des chinois, pour les chinois. On nous ignore royalement lorsque l'on rentre dedans pour demander si l'on peut déjeuner. On ne doit pas être assez chinois...

On finit par trouver un petit boui-boui où mangent plein de locaux et où on accepte de nous servir, avec le sourire en prime ! On pose donc nos sacs et on ne tarde pas à être ravis d'avoir patienté jusqu'ici car on nous sert des nouilles de riz avec une sauce froide délicieuse à base de légumes et de noix de cajou. Cela ressemble pas mal à ce que nous avions adoré à Phnom Penh. Et avec du thé froid à volonté ! Le paradis sur terre pour nous à ce moment-là.

Une fois repus, nous repartons pour trouver le siège de la compagnie de bus. Que nous repèrons bientôt. Malheureusement, point de salle d'attente confortable avec toilettes et WiFi comme nous l'ésperions, juste un guichet à l'avant d'une maison, avec trois sièges de bus totalement déchiquetés sur le trottoir en guise de salle d'attente. Nous avons besoin de calme et d'ombre, nous passons donc notre chemin.

Nous trouvons par hasard un office du tourisme, avec un employé qui ne parle pas un mot d'anglais. On n'ose donc pas s'installer à l'intérieur mais l'extérieur est un petit coin de verdure un peu sauvage au calme qui nous plaît beaucoup. On s'y pose donc pour les trois prochaines heures.

Camille part faire le tour du quartier en quête de nourriture pour le dîner. Revient une petite heure plus tard faire son rapport à Arnaud. Qui part à son tour négocier notre futur dîner (et goûter) au marché voisin. Pendant son absence, Camille se fait gentiment mettre à la porte de l'Office du tourisme par l'employé qui ferme boutique.

C'est donc sur le trottoir qu'Arnaud la retrouve. Nous partons nous réfugier au siège de la compagnie de bus et squatter les fauteuils, défoncés mais confortables, tout en grignotant du nougat asiatique (caramel dur avec cacahuètes et sésame, terriblement addictif).

Nous sommes peu à peu rejoints par un grand nombre de gens. Le bus arrive bientôt. Il s'agit d'un "hotel bus" où il n'y a pas de siège, seulement des matelas. On n'y est pas mal installés, à part que les couchettes deux places sont à peine assez larges pour se coucher à deux, côte à côte, sur le dos (pourtant, ni Arnaud ni Camille n'ont une carrure d'athlète), et qu'Arnaud ne tient pas en longueur.

Le temps que tout le monde s'installe et que les différentes marchandises soient chargées dans les soutes, on part avec une demi-heure de retard. Et on ne roule pas bien vite. La route n'est pas en super état. On s'arrête régulièrement et des gens montent et descendent. On arrive en milieu de nuit à Phnom Penh. Et l'on y apprend que l'on va passer par Siem Riep (itinéraire plus long et totalement illogique pour rallier Battambang depuis Sihanoukville). Ce n'est pas aujourd'hui qu'on aura un sommeil réparateur.